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Flux vidéo HLSAudience solennelle de rentrée
En présence de Jean Castex, Premier ministre, et de nombreux membres
du Gouvernement et du Parlement.
Monsieur le premier ministre.
Monsieur le premier président.
Madame la procureure générale.
Monsieur le Premier ministre, monsieur le président du Sénat, mesdames et messieurs les ministres, monsieur le vice président du Conseil d'État, Mesdames et Messieurs les hautes autorités civiles et militaires présentes, Mesdames et Messieurs les parlementaires, Madame la Procureure Générale, Mesdames et Messieurs les présidents de Chambre, Mesdames et Messieurs et mes chers collègues.
Je suis très heureux de vous retrouver aujourd'hui pour cette audience solennelle de rentrée. La nouvelle vague épidémique pandémique qui frappe notre pays nous oblige malheureusement à nous retrouver dans un format restreint. Je le regrette tant les audiences solennelles sont traditionnellement ici des moments de partage forts et hautement symboliques pour notre institution. Un moment dont nous avons dû nous priver depuis maintenant deux ans, c'est ma première puisque je suis ici depuis 19 mois. Réjouissons nous toutefois de pouvoir nous retrouver cette année fusse dans un format encore mixte. Nombre de nos collègues suivent l'audience solennelle sur l'écran de leur ordinateur et espérons que l'année qui s'ouvre soit celle, enfin, du retour à la normale. Je veux avoir, en vous accueillant un mot particulier pour André Chandernagor, le Premier président qui m'a accueilli comme auditeur dans cette Grand Chambre il y a bien longtemps et à qui le président de la République remet ce soir à Aubusson les insignes de grand croix dans l'ordre de la Légion d'honneur. J'espère que nous pourrons vite nous retrouver ici autour de lui pour fêter ses 100 ans et nous sommes avec lui en ce jour par la pensée. Traditionnellement, l'audience solennelle de rentrée est un moment privilégié pour accueillir de nouveaux collègues. Cette année, malheureusement, du fait des contraintes sanitaires, nous avons choisi d'installer les nouveaux arrivants en une autre occasion pour limiter la jauge et le format de l'audience. Nous les saluons ici avec la procureure générale. Nous leur souhaitons la bienvenue. Cette audience de rentrée conserve néanmoins une portée symbolique puisque nous avons l'honneur et le plaisir de recevoir de très hautes autorités de l'État autour de vous, Monsieur le Premier ministre, Monsieur le président du Sénat et plusieurs membres du Gouvernement. Cher Jean Castex, Monsieur le Premier ministre, chacun sait ici que vous êtes un membre de notre compagnie et tout le monde connaît votre attachement très profond à la cour que vous montrez à nouveau aujourd'hui. Je vous souhaite la bienvenue dans cette maison qui est la vôtre. En entrant cet après midi au 13, rue Cambon, vous avez peut être songé à cette phrase de Francis Scott Fitzgerald "C'est quelque chose de revenir chez soi. C'est le même cadre, la même odeur, la seule chose qui ait changé, c'est vous". Cher Gérard Larcher, monsieur le président du Sénat, votre présence nous honore au plus haut point. La Cour aime à se définir comme un tiers de confiance à équidistance entre l'exécutif et le législatif. Et je veux devant vous rappeler toute l'importance que j'attache à nos relations avec le Parlement, avec l'Assemblée nationale comme avec la Haute Assemblée qui suit l'ensemble des travaux des juridictions financières, ceux de la Cour, mais aussi ceux des chambres régionales et territoriales des comptes, naturellement. Je salue enfin toutes les personnalités représentant les hautes autorités civiles et militaires qui nous font l'amitié d'assister à cette séance solennelle. Elle témoigne de la solidité et de l'étroitesse des liens qui sont les nôtres. À tous, je souhaite une excellente année 2022 et je vous dis ma très chaleureuse bienvenue. L'audience est ouverte.
Monsieur le secrétaire général, veuillez donner lecture du procès verbal de la dernière audience. Le mercredi 19 janvier 2022 à 11 heures, la Cour des comptes s'est réunie en audience solennelle dans la Grand Chambre sous la présidence de Monsieur Pierre Moscovici, Premier président. Le secrétaire général lit le procès verbal de l'audience du 1er décembre 2021 qui est adopté. Il lit ensuite les textes intéressants des membres de la Cour. Madame la procureure générale requiert l'installation de messieurs Stéphane Bredin, Philippe Ravalet, Mesdames Marie-Anne Jacquet, Florence Legrand, Messieurs Rainier d'Haussonville et Pierre Van-Herzeele en qualité de conseiller maître. Madame Alice Bossière et Monsieur Nicolas Groper en qualité d'avocat généraux. Madame Armelle Daam en qualité de secrétaire générale adjointe. Monsieur David Harel et Mme Laure Terrasse en qualité d'auditeur de première classe. Monsieur Alain Slama, en qualité de substitut général. Monsieur le Premier président recueille le serment de Monsieur Harel et de Madame Terrasse et procède à l'installation de tous les magistrats selon le cérémonial en usage. Puis, Monsieur le Premier président recueille le serment de Monsieur Stéphane Kéïta en qualité de conseiller maître en service extraordinaire et procède à l'installation de Monsieur Alain Slama en qualité de substitut général. Monsieur le Premier président prononce une allocution. L'audience est ensuite levée.
Y a t il des observations ? Je n'en vois pas. Le procès verbal est donc adopté. Madame la procureure générale, vous avez la parole pour votre allocution.
Merci monsieur le Premier président, permettez moi tout d'abord d'associer le parquet général aux remerciements que vous avez adressé à Monsieur le Premier ministre, à Monsieur le président du Sénat et à toutes les hautes personnalités présentes en cette séance de rentrée malgré la situation sanitaire. C'est un honneur pour la juridiction, Monsieur le premier ministre, de vous revoir dans ces lieux et tous les membres de notre compagnie se souviennent avec fierté que vous avez commencé dans ces murs une carrière entièrement consacrée au service de l'intérêt général. À vous même ainsi qu'à tous nos invités, je souhaite exprimer chaleureusement notre reconnaissance pour l'intérêt que vous portez aux travaux de la Cour et vous adresser mes mes meilleurs vœux pour cette année 2022. C'est un sujet que vous connaissez bien, monsieur le Premier ministre, que je souhaite aborder aujourd'hui. Il s'agit, vous l'aurez compris, de la réforme du régime de responsabilité des gestionnaires publics, sujet essentiel pour les juridictions financières et qui, dans les fonctions que j'ai l'honneur d'exercer, s'impose naturellement à moi. Hélène Gisserot, que j'ai plaisir à saluer, avait senti la nécessité de cette réforme bien avant qu'elle ne soit à l'ordre du jour. Lors de la première audience solennelle de rentrée auquel il lui fut donné d'intervenir en janvier 1994, elle observait que la mise en jeu de la responsabilité des comptables suppose que celle des ordonnateurs qui se trouvent investie de pouvoirs plus étendus dont ils usent avec davantage de liberté puissent l'être également. C'est Philippe Séguin qui, avant vous aujourd'hui, monsieur le Premier président, à porter le plus loin ce projet de réforme. L'autre réforme de la gestion publique, comme il l'avait dénommée lors d'un colloque organisé en 2005 au palais d'Iéna, en faisant référence à celle introduite par la LOLF. Il l'avait qualifié dès son discours d'installation, le 6 septembre 2004, de réforme indispensable, en ajoutant que la liberté d'action accrue qui va être donnée aux gestionnaires à la faveur des nouvelles règles du jeu budgétaire les mettent en situation d'exposer leurs responsabilités. Il faut que ce soit de manière visible et effective, tout en s'efforçant d'éviter une pénalisation croissante de la vie publique. Hélas, le projet de loi de 2009, qui portait certes une ambition encore plus large, trop large peut être, ne pourra aboutir. Après Hélène Gisserot, mes prédécesseurs ont continué à porter cette idée de réforme. Gilles Johanet, lors de l'audience solennelle de rentrée du 17 janvier 2019, a appelé de ses vœux la nécessaire refonte de la responsabilité des gestionnaires et comptables publics. Nombre des éléments qu'il avait alors évoqués sont maintenant à l'ordre du jour un régime unifié porté par la Cour des comptes, une formation du contentieux distincte des formations administratives, la généralisation d'un second niveau de juridiction. Je me suis moi même déclarée en faveur d'une réforme d'ensemble et d'un régime de sanctions lors du colloque organisé en octobre 2019 par la Cour des comptes et le Conseil d'État sur la responsabilité des gestionnaires publics, aussi ne puisse que me réjouir de l'accélération récente de l'histoire sur ce sujet. Vous avez fait, monsieur le Premier président, de l'instauration d'un régime unifié de responsabilité des gestionnaires publics, une des actions clés des orientations stratégiques des juridictions financières figurant dans le projet JF 2025. Le sujet était à l'ordre du jour du cinquième Comité interministériel de la transformation publique qui s'est tenu le 5 février 2021. Vous avez souhaité, monsieur le premier ministre, que des propositions soient élaborées en vue de la loi de finances pour 2022, à l'issue d'une concertation entre les différentes parties prenantes, c'est chose faite avec l'article 168 de la loi de finances pour 2022, qui habilite le gouvernement à légiférer par ordonnances et définit le cadre et les grands principes de la réforme. Nous n'avons jamais été si près du but et il serait symboliquement très fort que cette réforme historique puisse enfin se concrétiser sous votre gouvernement, monsieur le premier ministre. Les régimes existants qui relèvent de juridictions distinctes, la Cour et les chambres régionales et territoriales. Des comptes pour le jugement des comptes. La Cour de discipline budgétaire et financière pour les gestionnaires font de longue date l'objet de critiques tenant à leurs limites intrinsèques ainsi qu'à leur décalage croissant avec les évolutions de la gestion publique. Ils ne permettent pas d'appréhender sur une même affaire la responsabilité de l'ensemble des acteurs, alors même que la chaîne financière est de plus en plus intégrée, que ce soit en recettes ou en dépenses. Ils ne tirent pas les conséquences du rôle très structurant des systèmes d'information et de la numérisation dans la gestion financière et son contrôle, ni du développement du contrôle interne financier et des démarches de maîtrise des risques qui constituent une rupture à la fois quantitative et qualitative en matière d'intégration et de sécurisation des opérations financières. Ces évolutions remettent en cause, dans son principe même, l'existence d'un régime dual et asymétrique touchant prioritairement les comptables. La mise en œuvre automatique et à l'acte de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables non proportionnés aux risques et aux circonstances de la gestion ne rend viable l'actuel régime qu'avec un système de justice retenu d'un autre âge, donnant au ministre des Finances le pouvoir de remise gracieuse d'une décision juridictionnelle. Ce système trouve sa justification, il faut bien le dire, très théorique dans un apurement des comptes de conception civiliste de la réforme de 2011 est d'ailleurs venu brouiller en introduisant une forme de quasi amende dénommée somme non-remissible pour les manquements sans préjudice. A cela s'ajoute l'attrition continue depuis le début des années 2000, du chanp et des modalités des contrôles réellement effectués par les comptables. Le régime de responsabilité des gestionnaires publics devant la CDBF, de par sa plasticité, peut mieux épouser les évolutions que j'évoquais. Mais il souffre également d'un certain nombre de défauts bien connus, touchant notamment à son champ incomplet, aux délais des procédures, au petit nombre d'affaires traitées, à leur inégale importance. Et la CDBF n'a jamais été dotée des moyens propres lui permettant de remédier à certains de ses défauts. Bref, des régimes désormais datés, aux effets limités et déséquilibrés, au détriment des comptables. Les chiffres parlent d'eux mêmes. En 2021, 328 jugements et arrêts ont été rendus par la Cour, les chambres régionales et territoriales des comptes sur les comptes des comptables publics. Dans le même temps, la CDBF a rendu neuf arrêts. Mais cette réforme est aussi nécessaire pour répondre aux impératifs d'une gestion publique moderne. On attend d'un gestionnaires public comme privés, qu'il soit efficace, efficient, performant. Cela suppose une liberté d'action pour atteindre les objectifs assignés. Il correspond notamment la volonté d'alléger les contrôles a priori et de mieux responsabiliser les agents publics. Mais la gestion publique doit répondre également à d'autres finalités d'intérêt général pour mériter la confiance des citoyens. L'exemplarité, la traçabilité, la redevabilité qui couvre à la fois la probité, mais aussi la régularité des actes, sont intrinsèquement liés à la gestion publique. C'est en particulier le cas de la commande publique et l'on voit bien l'intérêt que la responsabilité des agents publics ne soit pas que managériale d'une part, pénale d'autre part, même si une partie des infractions qui touchent à des manquements intentionnels à la probité relèvent en toute logique de juridictions pénales. Il existe de fait une tension permanente entre liberté d'action et encadrement de la gestion publique, ainsi qu'entre efficacité et exemplarité de cette gestion. L'une ne peut être sacrifiée sur l'autel de l'autre et plutôt qu'une opposition, il s'agit d'un équilibre dynamique. Toute liberté suppose la responsabilité, a fortiori s'agissant de la gestion publique. L'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen inscrit au fronton de cette Grand' chambre nous le rappelle la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. Cette réforme nécessaire, la voilà donc devant nous, toute proche en tout cas, espérons nous. Elle constitue une véritable refondation de la mission juridictionnelle des juridictions financières. Elle se caractérise par l'unification au sein de la Cour des comptes des deux régimes existants sur le modèle modernisé de la CDBF, unification qui constitue un progrès incontestable. Elle définit un nouveau régime d'infractions financières et les sanctions correspondantes. Elle fixe une nouvelle organisation juridictionnelle en centralisant le contentieux à la septième chambre de la cour, dont les magistrats de CRC pourront être membres, et renforcent les garanties des justiciables avec la création de la Cour d'appel financière. Le nouveau régime que l'ordonnance a institué devra permettre une mise en jeu effective de la responsabilité des gestionnaires publics. La loi de finances pour 2022 prévoit que soient sanctionnées des fautes graves de gestion ayant entraîné un préjudice financier significatif. Ces deux conditions posées par le législateur dessinent un contentieux de l'exemplarité traitant d'affaires significatives et non pas un contentieux quasi automatique qui sanctionnerait des manquements sans réelles conséquences. Pour autant, la possibilité d'engager la responsabilité d'un gestionnaire public ne doit pas être par trop exceptionnelle. Il ne faudrait donc pas restreindre encore la portée des infractions de ce régime par l'introduction de précisions restrictives supplémentaires dans le texte de l'ordonnance qui risquerait de nous placer dans un contentieux de la rareté et d'aboutir à une pénalisation excessive de la gestion publique que l'on souhaite précisément éviter. Il me paraît également indispensable que les sanctions que la Cour pourra prononcer soient à la fois proportionnées aux fautes commises et suffisamment dissuasives. L'intérêt d'un régime répressif n'est pas seulement de punir, il est aussi et sans doute surtout de prévenir la commission d'infractions. Sur cette question des infractions et des sanctions, je pense qu'il faut faire confiance aux juges. Un des points importants de la réforme, nous l'avons dit, c'est la capacité à agir du gestionnaire. Le fait de lui faire confiance a priori, cette responsabilisation ne saurait concerner que le gestionnaire doit aussi concerner le juge. Un juge qui exerce la plénitude de ses fonctions ne peut que se sentir responsable, Il ne jugera plus les comptes mais une personne à laquelle il aura à appliquer s'il l'estime nécessaire des sanctions réelles, proportionnées à la gravité des faits et tenant compte des circonstances. À cela s'ajoute la création de la Cour d'appel financière, puis la possibilité de se pourvoir en cassation devant le Conseil d'Etat, qui sont de nature à apporter de solides garanties aux justiciables. En tout état de cause, il convient d'éviter de tout changer pour que rien ne change et faire ainsi mentir la formule de Giuseppe Tomasi di Lampedusa dans Le Guépard. Nous avons l'opportunité de mettre en place un régime de responsabilité effective et équilibrée. Ne la ratons pas. Vous le savez, monsieur le premier ministre, les magistrats de chambres régionales et territoriales des comptes se sont émus de la perte de la compétence juridictionnelle des chambres régionales. La centralisation du contentieux à la Cour n'était pas l'organisation privilégiée par notre institution qui préconisait des formations interrégionales faisant intervenir directement les chambres régionales et territoriales des comptes. Cette organisation centralisée ne me paraît cependant pas infondée s'agissant d'un contentieux de l'exemplarité. Dans ce cadre, comme le premier président, je serais attentive à ce que l'ordonnance permette aux magistrats des chambres régionales et territoriales des comptes, spécialiste de la gestion publique locale, de s'impliquer dans ce nouveau régime. Pour ma part, je souhaite que les procureurs financiers près des chambres régionales et territoriales des comptes puissent, dans le cadre d'un renforcement de l'unité fonctionnelle du ministère public, m'assister dans l'accomplissement de mes fonctions juridictionnelles. Enfin, l'article d'habilitation réaffirme le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables et l'effectivité de la vérification par ces derniers de la régularité des opérations de recettes et de dépenses. La séparation des fonctions reste un principe moderne, d'ailleurs renforcé dans le secteur privé depuis le début des années 2000. Il me paraît donc essentiel que l'ordonnance réaffirme et précise le rôle du comptable public au moment où elle abrogera les dispositions de l'article 60 de la loi de 1963. Monsieur le premier président, mes chers collègues, vous le savez, le succès de la réforme dépendra en définitive de nous, magistrats de la Cour et des chambres régionales des comptes. Il appartiendra en effet aux juridictions financières de la faire vivre. Elle suppose avant tout de donner toute la place nécessaire au contrôle de régularité dans les travaux de la Cour et des chambres régionales des comptes. Ces contrôles doivent conserver une large place dans leur programmation. Plus que jamais, le besoin d'un équilibre entre les différentes missions des juridictions financières devra ainsi être réaffirmé. S'agissant des investigations à mener, les magistrats vérificateurs devront être accompagnés par des actions de formation et des outils méthodologiques. Les contrôles à venir nécessiteront une approche par les risques, une appréciation du contrôle interne mis en place, la détection d'éventuelles dérives. Le pôle de régularité probité, qui doit voir le jour dans le cadre du projet JF 2025, aura précisément pour vocation d'accompagner les personnels dans ce type de contrôle. Afin d'assurer la transition dans les meilleures conditions, il appartiendra évidemment au ministère public de définir dès 2022 une politique des poursuites à la lumière des infractions retenues dans l'ordonnance et de la jurisprudence antérieure de la CDBF. La 7e Chambre en première instance, comme la juridiction d'appel, devront être gérées de telle sorte qu'un cercle vertueux soit mis en place. Cela suppose qu'elle dispose de moyens dédiés suffisants, tant au siège qu'au parquet. Cela suppose également des délais de procédure maîtrisés. Cela impliquera aussi un retour d'expérience partagée avec une large diffusion de la jurisprudence. A cet égard, si les déférés, devraient probablement émaner principalement de la Cour et des chambres régionales, des autres autorités de contrôle devront également se saisir de ce nouveau régime et participer à la réalisation de ses objectifs. Je prendrai l'initiative une fois les textes publiés de contacts en ce sens pour présenter la réforme, son esprit et ses dispositions et les sensibiliser à leur faculté de saisir le procureur général. La mise en place d'un nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics, prévue le 1er janvier 2023 au plus tard, constitue à mes yeux, vous l'avez compris, à la fois un défi et une opportunité. Un défi, car il s'agit d'un changement majeur pour le juge des comptes, à la fois dans ses fonctions de contrôle et de jugement, même si le nouveau régime est inspiré par les infractions sanctionnées depuis des dizaines d'années par la CDBF. Sa crédibilité dépendra de la plasticité des infractions retenues par l'ordonnance et du maintien, voire du développement des contrôles de régularité menées par les juridictions financières et par les autorités habilitées à saisir la Cour des comptes. Il ne faudrait pas qu'un champ d'action trop restreint conduise à accentuer le risque pénal pour les gestionnaires publics, mais il s'agit également d'une double opportunité. D'abord, l'affirmation de l'exigence de la responsabilité des gestionnaires publics dans toutes ses dimensions, de performance comme de régularité. Ensuite, l'opportunité pour les juges financiers de construire une fonction juridictionnelle modernisée. Qu'il me soit enfin permis de voir dans cette réforme une première étape vers des évolutions de plus long terme. Les missions des juridictions financières se sont construites par évolutions successives. Celle ci pourra être prolongée par d'autres que j'appelle de mes vœux, comme l'approfondissement de l'intégration organique de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes. J'ai cité Hélène Gisserot au début de mon intervention. Il me plaît de terminer en vous citant à nouveau Chère Hélène lorsque vous releviez, lors de l'audience solennelle de rentrée de janvier 1994, le constant effort d'adaptation que la Cour des comptes a su accomplir depuis sa création et qui, en prouvant sa vitalité, lui garde sa raison d'être. Je vous remercie.
Merci Madame la Procureure générale, Monsieur le premier ministre, monsieur le président du Sénat, mesdames et messieurs les ministres, mesdames et Messieurs les hautes personnalités civiles et militaires présentes, j'évoquais il y a quelques instants la situation de permanence, presque d'éternité qui s'attache à ces lieux comme à nos rites et qui frappe toujours celui qui entre pour la première fois et le saisit même à l'occasion d'effroi. Je me permets de nuancer quelque peu, toutefois, le propos de Francis Scott Fitzgerald. "Si on regarde les murs, les plafonds, les fenêtres, les tapisseries de leur grand chambre, rien ne semble avoir changé et rien ne semble jamais changer". C'est vrai. Et pourtant, la Cour que vous retrouvez, monsieur le premier ministre, n'est ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre, même si vous la connaissez admirablement. À l'instar du reste du pays, nous avons été en effet profondément marqués par l'ampleur et la violence de la pandémie qui s'est propagée à travers le monde et qui a bouleversé tant nos organisations que nos habitudes et notre fonctionnement. Passé l'effet de sidération, je me souviens d'être revenu ici juste au moment où, peu avant le premier confinement, c'était quand même un moment extrêmement frappant à la Cour. Nous nous sommes collectivement employés à trouver des solutions. C'est cet engagement de toutes et tous ce qui nous a permis de bien résisté à la crise et de poursuivre notre activité. Permettez moi de m'en réjouir et d'en être fier. Je veux d'ailleurs une nouvelle fois remercier ici, en votre présence, l'ensemble des personnels, quels que soient leur métier, leur grade ou leur fonction, pour leur mobilisation sans faille qui a permis à la Cour de poursuivre sa mission et de tenir sa place dans le débat public en dépit de ce contexte si difficile. C'est grâce au travail de tous témoins de notre résilience, de notre capacité d'adaptation que nous avons malgré tout réussi à tenir les objectifs très ambitieux que nous nous étions fixés. Cette dynamique s'est aussi traduite dans la conception, puis maintenant dans la mise en oeuvre du plan de transformation stratégique du JF 2025 que j'ai initié dès le jour de mon installation. Nous nous voyons les premiers effets et qu'il faudra poursuivre jusqu'à son terme, par définition 2025. Nous avons trouvé en nous, malgré ce temps d'épreuve, les ressources d'un élan et d'un renouveau collectif qui nous a permis de définir un projet que je crois ambitieux, participatif et désormais largement partagé. Croyez que transformer les juridictions financières n'est pas pour moi un caprice ? Il faudra le faire ou une formalité. Ça doit être fait. C'est une ardente obligation qui passe par leur modernisation afin qu'elles soient à même de répondre aux nombreux défis à venir. L'ensemble des initiatives que nous avons lancé depuis 2021 visent ainsi à nous mettre encore davantage en phase avec notre temps, quand je dis notre notre temps, je veux dire aussi votre temps, le temps de l'administration, le temps de la décision. Je pense notamment au renforcement de nos capacités d'analyse des données produites par l'administration, à notre réactivité pour analyser les dépenses engagées pendant cette crise sanitaire. Cela fera l'objet du prochain rapport public annuel que je remettrai dans quelques semaines, à l'approfondissement de nos travaux sur la transition écologique, au renforcement des liens avec le monde du savoir, l'université, le CNRS, par la signature de conventions avec plusieurs institutions universitaires et scientifiques qui est indispensable, notamment si nous voulons progresser dans le champ de l'évaluation des politiques publiques. Je ne suis bien sûr pas exhaustif, mais je souhaitais, par ces quelques exemples, vous montrer la force de notre volonté et tout le chemin parcouru pour accroître le rayonnement de notre institution. Nous pouvons également nous réjouir d'avoir renforcé ce rayonnement au plan européen et international. Malgré la pandémie, les déplacements et les rencontres avec nos homologues étrangers, parfois il faut bien le dire, souvent en visioconférence. Notre participation active aux différents organes internationaux dont nous sommes partie prenante, se sont poursuivis et ont été, je crois, appréciés par nos partenaires qui ont vu, à juste titre la volonté d'intensifier encore, malgré la période, nos relations de coopération. Ces actions prendront tout leur sens et un sens encore plus fort avec le mandat d'auditeurs externes de l'ONU que j'ai obtenu au nom de la Cour à nouveau en novembre dernier. Je dis à nouveau parce que nous avions exercé dans les années 2000 un mandat à la fois prestigieux et exigeant qui va mobiliser des équipes importantes une cinquantaine de personnes pour six ans, ainsi qu'avec la présidence française du Conseil de l'Union européenne, qui vient tout juste de débuter dans le cadre de laquelle nous organiserons une grande conférence internationale sur le rôle des institutions supérieures de contrôle européenne et l'avenir de l'Europe ? Au vu de cette activité qui est demeurée très intense, il n'est finalement pas étonnant que notre maison n'est en rien perdu de son attractivité. Je dirais même au contraire. Non seulement celle ci ne se dément pas, mais elle sera même renforcée par les actions de ce qu'on appelle, pardon de ce jargon la phase 2 de JF2025. La deuxième phase du projet de transformation de la cour et des CRC qui traite de nos ressources. Et quand je pense ressources, je pense au premier chef aux ressources humaines. Soyez assuré, monsieur le premier ministre, que la Cour s'adaptera à la réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique voulue par le président de la République et mise en œuvre par le gouvernement. Je salue ici la qualité de la relation que nous avons entretenue sur le sujet avec vous même et avec votre ministre, chère Amélie de Montchalin, merci de la considération que vous accordez à la Cour en général par votre présence aujourd'hui. Je suis toutefois conscient qu'avec la suppression de l'ENA, avec la fin du recrutement direct des auditeurs à la sortie de l'école, cette attractivité ne se postulera pas ou ne se postulera plus, qu'elle devra désormais se construire et se défendre. Eh bien, nous allons nous y employer. Je reste en effet très attaché à ce que cette institution soit aussi un corps vivant, rayonnant, qui offre à ses membres des carrières alternées intéressantes à l'extérieur de la cour, riche à l'extérieur de nos murs ou l'inverse comme on voudra. Comme beaucoup de ceux qui sont ici aujourd'hui, illustre à votre image madame la ministre en charge du Logement, cher Emmanuel Wargon. Là encore, nous avons multiplié, nous allons le faire, les dispositifs ambitieux, innovants avec le lancement d'une campagne marque employeur pour nos recrutements futurs. C'est le levier d'une politique active et ciblée. L'installation prochaine, quand je dis installation, je dis recrutement, parce que ce sera sûrement quelqu'un qui viendra de l'extérieur, d'un délégué à la mobilité et à la promotion de la diversité et de l'égalité, parce que ces deux choses vont ensemble, valeur cardinale des juridictions financières qui figurent au cœur de JF 2025 et qui se matérialisent déjà par des conventions avec les prépas de talents que le gouvernement encourage. Je ne suis pas d'un tempérament nostalgique en général et je ne le suis pas, en l'occurrence, la réforme de la haute fonction publique n'est pas sans incidence, elle nous prive certes du sang neuf que nous apportait le recrutement d'auditeurs à la sortie de l'ENA et beaucoup ici peuvent le regretter. Pourquoi cacher qu'ils le regrettent ? Mais elle ouvre de nouvelles opportunités, surtout celles en particulier d'un recrutement mieux maîtrisé et d'une diversification sociale de la haute fonction publique à laquelle je suis moi aussi très attaché. C'est dans cet esprit totalement constructif et vous le savez, que nous définirons et piloteront les dispositifs de sélection d'une part, d'intégration d'autre part, qui doivent être mis en place afin de respecter au mieux la philosophie de cette réforme, la politique d'accompagnement des carrières sera elle aussi rendue plus dynamique, plus ouverte, plus transparente, plus personnalisée. Si nous inscrivons pleinement dans la volonté, qui est la votre, de moderniser la haute fonction publique de l'Etat, elle est aussi le miroir de nos propres actions internes, vous l'aurez compris, je serai toutefois, vous le comprenez aussi particulièrement, vigilant à ce que l'équité soit assurée dans la mise en œuvre de la réforme. Votre gouvernement souhaite valoriser et revaloriser la condition des administrateurs de l'Etat et c'est un objectif que je partage totalement. L'Etat a besoin de serviteurs motivés et considérés. Mais, il a aussi besoin de magistrats financiers respectés et impliqués. Ils ne demandent, croyez le, aucun traitement de faveur. Mais ils ne souhaitent pas non plus être délaissés, à ce titre, nous sommes très heureux qu'un travail soit conduit en lien avec vos services sur la mise en cohérence nécessaire du volet indiciaire et indemnitaire en comparaison avec d'autres corps de statut comparable. Je pense notamment aux administrateurs de l'Etat. La présence aujourd'hui auprès de vous de vos deux ministres en charge de la Fonction publique et des comptes publics témoigne aussi de votre volonté de faire aboutir positivement ces chantiers. Ainsi, les juridictions financières innovent et se transforment en permanence. Les orientations stratégiques prises depuis ma nomination nous permettent, je le crois, d'être pleinement armé pour faire entendre notre voix dans le débat public au cours d'une année 2022 qui s'annonce particulièrement chargée et décisive, avec des échéances démocratiques tout à fait déterminantes pour la nation. Trois chantiers majeurs appellent à mon sens notre attention cette nouvelle année. Ils sont autant de signaux de notre volonté de consolider et d'approfondir encore les transformations entreprises pour façonner des juridictions financières à même de répondre aux nouveaux besoins de l'action publique et de nos concitoyens. Il s'agira d'abord de conforter la place des juridictions financières comme tiers de confiance. Je l'évoquais capable d'apporter aux Françaises et aux Français une information claire et transparente sur l'ensemble des politiques publiques. Informer les citoyens, c'est une mission constitutionnelle pour la Cour des comptes. La relation de confiance qui lie les juridictions financières et les citoyens est forte. Nous jouissons. Nous en sommes fiers d'un important capital de sympathie et de respect que nous devons chaque jour nous employer à mériter par la qualité de nos travaux. On ne doit pas se reposer sur nos lauriers, mais démontrer notre qualité encore une fois. Les Français, toutefois, je l'éprouve, attendent beaucoup de la Cour des comptes et à raison en particulier pour éclairer leurs choix dans les débats sur les politiques publiques. Cette confiance, elle repose sur notre capacité à dire vrai, pour reprendre les mots de Michel Foucault, c'est à dire ne rien dissimuler, ne rien mélanger, ne rien arranger de la vérité. C'est le parler franc, sans crainte de plaire ou de déplaire, qui dérange parfois, mais qui sert toujours et qui fait dire à Alexandre le Grand qui, il est vrai, ne parlait pas de la Cour des comptes, je ne pousserai pas l'uchronie jusque là. "Si je n'étais pas Alexandre, je serais Diogène". Autrement dit, si je n'étais pas au pouvoir, je serais indépendant du pouvoir. Et cette réflexion là est très actuelle et je la fait totalement mienne. Afin de toujours mieux identifier et répondre aux attentes des citoyens, de renforcer nos liens, de nous rapprocher d'eux, nous ouvrirons une plateforme citoyenne innovante dans les prochaines semaines. Elle permettra aux Français qui le souhaitent d'être ainsi associés au choix de certains, pas tous, de nos thèmes de contrôle. Notre volonté, c'est de travailler sur des sujets de préoccupation concrets, actuels pour être davantage lus, davantage compris et donc davantage écoutés. La crise sanitaire, je l'ai évoquée, elle a profondément changé nos vies et elle a bouleversé la conduite de l'action publique. Dans cette période de mutation, de transformation, les juridictions financières doivent plus que jamais assumer leur rôle. Un rôle de vigie, c'est le sens de notre engagement visant à donner à la définition des choix stratégiques d'endettement et de dépenses, qui n'est disons-le, que partiellement effective aujourd'hui, toute leur place dans le débat public. C'est pour cela que j'ai souhaité renforcer encore davantage notre capacité d'évaluation des politiques publiques. À l'horizon 2025, nous y consacreront 20%de nos ressources. Aujourd'hui, c'est quelque 5%, un quadruplement en quatre ans, c'est beaucoup. C'est très ambitieux, notamment avec la possibilité ouverte aux chambres régionales des comptes d'en réaliser. C'est une disposition du projet de loi 3DS dont j'espère, et je le dis en ayant la chance de m'adresser à la fois au premier ministre et au président du Sénat. Et en votre présence, Monsieur le ministre en charge des relations avec le Parlement et la participation citoyenne, cher Marc Fesneau, avec qui nous entretenons des relations régulières et fructueuses, j'espère que ce projet sera définitivement adopté avant la fin de cette mandature. Ce texte permettra aussi d'évaluer des projets d'investissements exceptionnels et de le faire de manière concomitante, comme Marseille en grand, et de garantir un meilleur suivi des recommandations des chambres régionales des comptes sur les entreprises publiques locales. Je voulais remercier à cette occasion, elle n'est pas là, mais je le fais, la ministre Jacqueline Gourault pour son engagement en faveur de notre proposition qui lui doit beaucoup. Ce chantier. Il est d'autant plus important aujourd'hui que le débat public, nous le savons tous, il est souvent pollué par les fausses nouvelles. Ce qu'on appelle dans le langage aujourd'hui les fake news par la désinformation. La crise sanitaire n'a fait qu'accélérer ce processus de remise en cause permanente du monde du savoir. En même temps qu'elle ait illustrée simultanément, le besoin impérieux que nous avons de la science. Dans ce contexte, les juridictions financières assument de dire la vérité aux Français, aux citoyens, y compris en mettant sur la table des sujets qui ne figurent pas toujours à la une de l'actualité. Nous avons ainsi, vous le savez, publié 13 notes structurelles reconnues, je le crois, comme de grande qualité, c'est à dire courtes, courtes, pédagogiques et précises qui ont rencontré un écho important nous continuerons d'apporter, en ces temps troublés mais déterminants pour l'avenir de la nation, notre contribution indépendante et objective au débat public sous des formats novateurs et encore plus accessibles à tous. C'était le premier axe dont je souhaitais vous parler. Le deuxième. Il procède de la situation dans laquelle nous sommes. La sortie de la crise nous oblige collectivement à réinventer la gouvernance, nos finances publiques, dans un contexte de dégradation forte de nos comptes publics et les juridictions financières prendront toute leur part dans cet impératif majeur. J'ai déjà eu l'occasion d'aborder ce sujet maintes fois, je ne serai pas long. J'ai dit, au nom des juridictions financières, notre conviction la sortie de la crise, la sortie du quoi qu'il en coûte, dont je redis ici la parfaite légitimité, car il a permis de sauver des vies, de soutenir l'économie, de préserver la cohésion sociale et plusieurs de nos rapports y ont insisté. Cette sortie doit être l'occasion de réformer profondément la gouvernance des finances publiques et de parachever, deux décennies après notre adoption, notre constitution financière pour disposer d'une véritable maîtrise des finances publiques. Je me réjouis à cet égard que la loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques et la loi ordinaire relative au Haut Conseil des finances publiques et à l'information du Parlement sur les finances publiques poursuivant ces objectifs, aient pu être adoptées dans les derniers jours de 2021. Merci au président de la commission des Finances, Eric Woerth, et au rapporteur général du budget, Laurent Saint-Martin, d'avoir initié et porté cette proposition de loi organique jusqu'à son aboutissement. Vous êtes tous les deux des partenaires indispensables, fidèles et précieux de la Cour et de ses organismes associés. Merci de votre participation, aujourd'hui. La réforme de la LOLF, si un de ses pairs est présent, Didier Migaud, mon prédécesseur, vingt ans après son adoption, améliore indéniablement la gouvernance des finances publiques en reprenant notamment des recommandations que nous avions formulées en novembre 2020. Elles visaient à renforcer la programmation pluriannuelle, à donner les éléments du débat public sur la dette, à assurer la clarté des choix publics et à permettre la compréhension de l'usage des deniers publics. Pour autant, je veux le dire aussi, ces textes ne permettent pas encore de proposer une vision globale des finances publiques, que ce soit par une discussion générale sur les recettes publiques ou par la définition d'une règle consensuelle de partage des impôts entre administrations publiques ou la création d'une instance pérenne de concertation ou toute proposition que la Cour a faite. Ils ne permettent pas non plus, mais les auteurs le savent bien, d'instaurer des revues de dépenses selon un calendrier défini. Vous le savez mieux que personne seul un engagement politique fort, des choix clairs en la matière de maîtrise de nos finances publiques permettront de leur donner un cadre efficace et sain de gouvernance. Et c'est ce que nous appelons, c'est ce que j'appelle de mes vœux. Autre aspect très important de cette réforme le Haut conseil des finances publiques. Il aura désormais pour mission d'apprécier le réalisme des prévisions de finances publiques et des lois de programmation sectorielles, alors que jusqu'à présent, seul celui des prévisions macroéconomiques lui incombait. C'est un incontestable progrès et c'est une bonne chose. Toutefois, je persiste à souhaiter qu'à terme, notre Haut conseil, pour lequel j'ai un attachement très particulier pour l'avoir porté sur les fonts baptismaux en 2012 lorsque j'étais ministre Finances, dispose d'un mandat aussi étendu que celui de ses homologues européens, tant en matière d'évaluation des mesures nouvelles en recettes et dépenses que de soutenabilité de la dette. Je suis persuadé que le rôle des institutions budgétaires indépendantes sera essentiel dans l'application de nouvelles règles européennes de finances publiques plus lisibles, plus favorables à la croissance, qui devront être définies après la crise, Monsieur le gouverneur de la Banque de France, vous les appelez aussi de vos vœux. La révision de ces règles, je l'espère, avancera de façon décisive pendant la présidence française de l'Union européenne. À terme, dans ce cadre rénové, nous aurons besoin d'un Haut conseil des finances publiques doté de compétences encore plus larges et je poursuivrai donc inlassablement, tout au long de mon mandat, mon travail de conviction pour y parvenir. Il n'est point besoin d'espérer pour entreprendre. J'espère que cette maxime ne se vérifiera pas. Nous le savons tous ici, la situation de nos finances publiques n'est pas uniquement due à la crise sanitaire et le résultat de plusieurs décennies de déséquilibre. Inverser la tendance suppose que de nouveaux outils soient déployés. C'est ce que nous avons recommandé dans plusieurs rapports récents, dans celui que vous avez bien voulu nous commander, monsieur le premier ministre, avec le président de la République, un rapport intitulé une stratégie de finances publiques pour la sortie de crise. Notre recommandation, on la connaît, elle porte sur une stratégie équilibrée reposant sur deux piliers le renforcement de la croissance potentielle et la maîtrise des finances publiques. On ne peut pas tout attendre de la croissance. On ne peut rien espérer de l'austérité. Il faut avancer à la fois vers une croissance potentielle plus forte et vers une maîtrise des dépenses publiques et de la dette plus puissante. Je suis persuadé avec la Cour que nous devons nous garder de ces deux écueils et aller vers un chemin d'équilibre. Le gouvernement que vous dirigez, Monsieur le premier ministre et le Parlement se sont déjà saisis de ce rapport et de ses options et nous en sommes très heureux. Nous resterons naturellement mobilisés, disponible dans la suite des débats sur la gouvernance financière, sur la soutenabilité de la trajectoire de la dette publique, mais aussi sur la stratégie d'un investissement fécond pour la croissance potentielle, porteur d'avenir pour l'école, pour la transition écologique, pour l'industrie, pour le numérique notamment. Enfin, et il s'agit d'une transformation essentielle, nous devons mettre en oeuvre la réforme historique de la responsabilité financière des gestionnaires publics que vous avez souhaité Monsieur le premier ministre, vous avez abrité et arbitré les grandes lignes dont Madame la procureure générale vient de parler. Nous partageons le même constat, à savoir que le système actuel de responsabilité financière était devenu obsolète. Il est à bout de souffle. Nous ne pouvions pas continuer ainsi. Le statu quo était devenue intenable. Il devenait urgent de s'atteler à sa transformation et je me réjouis de l'adoption de l'article 168 de la loi de finances pour 2022, qui pose les bases d'un régime unifié de responsabilité des gestionnaires publics, comptables, ordonnateurs. C'était aussi un des points structurants de notre plan de transformation JF 2025. Le texte d'habilitation dessine un régime répressif qui met fin à la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables, qui redéfinit les infractions actuellement poursuivis devant la CDBF. Ainsi, à compter de la date d'entrée en vigueur fixée par l'ordonnance à venir, le juge financier ne jugera plus les comptes des comptables. C'est quand même historique depuis 1807, depuis Napoléon, c'est ce que nous faisons, parfois une fiction, c'est ce que nous faisons. C'est une construction intellectuelle qui est dépassée, qui est inadaptée à la réalité. Mais nous jugerons bien les auteurs des fautes financières les plus graves, qu'ils soient ordonnateurs ou comptables publics, ne seront plus dans la fiction de juger des comptes, mais des personnes qui commettent des fautes. L'organisation retenue garantit le maintien de notre statut de juridiction et le renforce même puisque pour la première fois depuis 1807, une chambre de la cour, la Chambre du contentieux, connaîtra de la responsabilité de l'ensemble des gestionnaires publics pour sanctionner de véritables fautes financières. Nous préservons ce statut grâce à vous. C'était une nécessité, mais pas forcément une évidence, tant certains semblaient empressés de revenir dessus, voire sur notre indépendance. Je ne peux que m'en réjouir tant cette dimension fonde notre responsabilité, notre crédibilité. Il y a place dans ce pays pour une justice financière pleine et indépendante, aux côtés des autres ordres de juridictions dont vous avez la charge l'administration, monsieur le garde des Sceaux, cher Eric Dupond-Moretti qui nous fait l'amitié d'être des nôtres en voisin en ce jour. De la sorte, notre double nature persistera en étant même modernisée. Les chambres contrôleront ou évalueront la gestion des politiques publiques et la chambre du contentieux, elle seule, jugera les gestionnaires publics ayant commis des fautes financières graves. En cela, la réforme ne pourra que renforcer notre institution, car elle consacre les pouvoirs et le rôle de l'acteur central de la vie publique en France que nous sommes. Je souhaite insister sur quelques points saillants rapidement de la réforme auxquelles je ne suis pas tellement attentif. D'abord, la réforme doit aboutir à une véritable justice financière avec un régime de nature répressive calqué, vous l'avez dit Madame la Procureure générale, sur celui de la CDBF, venant sanctionner les fautes personnelles commises par les agents publics dans ce régime moderne qui doit être transparent pour nos concitoyens, l'intervention à l'instance du ministre du Budget propre à la justice retenue qui caractérisait la RPP, n'a à mon sens, plus lieu d'être. Elle ne serait de l'intérêt de personne. En deuxième lieu, la définition d'infractions et de sanctions doit être de nature à responsabiliser les gestionnaires publics. Il doit appartenir aux juges de construire la jurisprudence la plus pertinente, il y a là un enjeu d'exemplarité de l'action publique qui justifie le maintien autour de l'infraction que vous avez retenu, sanctionnant la faute grave ayant causé un préjudice financier significatif d'infractions aujourd'hui poursuivies devant la CDBF et qui ont prouvé leur pertinence pour assurer le respect de l'ordre public financier, s'agissant des sanctions, elles doivent être d'un niveau suffisamment dissuasif, laisser largement à l'appréciation du juge pour empêcher les comportements fautifs. Ensuite, la réunion des magistrats de la Cour et les Chambres régionales et territoriales des comptes pour l'instruction et le jugement des gestionnaires publics au sein de la Chambre des contentieux constitue une nouvelle étape du rapprochement fonctionnel juridictions financières, peut être, vous l'avez dit, une préfiguration d'une intégration organique. Nous verrons. Je n'ai cessé de promouvoir ce rapprochement depuis mon installation et je le porterais tout au long de mon mandat à la tête des juridictions financières, tant je suis persuadé que la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes sont les deux faces d'une même pièce. A l'heure où les décisions publiques à l'échelle nationale et au niveau territorial sont étroitement imbriquées. Ce rapprochement, dont mon prédécesseur Philippe Séguin avait déjà eu l'intuition il y a presque quinze ans, et le sens de l'histoire, je crois que vous le partagez, Monsieur le premier ministre, tout simplement, il nous appartient de le faire encore progresser. Je me félicite par ailleurs de la création d'un double degré de juridiction avec une cour d'appel financière que nous partagerons avec nos collègues et amis du Conseil d'Etat. Et je veux vous dire, monsieur le vice président, cher Didier Tabuteau, à quel point ces regards croisés sont à mes yeux une expérience très enrichissante. Cette architecture, elle offre une garantie supplémentaire aux justiciables à l'égard du droit en maintenant, pour l'essentiel, la composition de la CDBF qui avait démontré son utilité. Enfin, des mesures de simplification essentielles au fonctionnement des juridictions financières permettront d'améliorer l'efficacité des contrôles menés par ces dernières, mais aussi de mieux rendre compte de l'activité juridictionnelle et de contrôle. Monsieur le premier ministre, j'attire votre attention, vous le savez, sur l'importance de ces mesures qui sont à mes yeux, notamment aux yeux des magistrats de Chambre régionale des comptes dont vous avez souligné, Madame la Procureure générale, la sensibilité indissociable de la réforme du régime de responsabilité. La proposition du gouvernement répond dans ces grands principes au constat partagé depuis bien longtemps par la majorité des magistrats, malgré quelques différences d'approche. Et la nostalgie en cette matière non plus est hors de propos. Personne ne doit avoir de regrets pour ce qui ne marchait pas ou plus. Et pour un système qui courait sans changement rapidement à sa fin. Le gouvernement a voulu et porter cette réforme et c'est son rôle. Votre rôle, monsieur le premier ministre. Le mien, c'est bien sûr de contribuer à sa réussite, mais aussi, ce n'est nullement contradictoire de veiller à la place et au rôle des juridictions financières dans ce dispositif, alors que je me suis attaché dans mes prises de parole constamment et sur le terrain, à défendre la réforme dans toutes ses composantes. La préparation de l'ordonnance fait encore l'objet d'un travail intense en lien avec vos services et les services de l'État concernés. Je tiens notamment à souligner ici publiquement la qualité du travail mené avec vous, Monsieur le ministre des Comptes publics cher Olivier Dussopt, avec vos équipes qui ont porté le projet de réforme au Parlement et dont les services sont également concernés au premier chef, n'ai pas de doute que nous allons parvenir dans les prochains jours, peut-être les prochaines heures, un dispositif équilibré qui nous permettra de saisir rapidement les instances de la Cour et des chambres régionales des comptes conseil supérieur, comité technique pour que ce projet puisse être adopté et que l'ordonnance puisse être publiée pendant ce mandat et sous votre gouvernement. La réussite de cette réforme, elle impliquera par la suite que nous conduisons des changements importants à la Cour pour ne laisser personne sur le bord de la route, notamment en réorientant certains métiers, il le faudra, en renforçant la formation au nouveau régime de tous les personnels, en nous dotant des moyens humains et matériels pour réussir cette réforme. Sa mise en œuvre, elle est, elle sera de notre responsabilité et nous saurons l'assumer. C'est ma tâche. C'est le sens de ma mission à la tête des juridictions financières. Soyez certains que j'y mettrai toute mon énergie, tant je suis convaincu que la réussite de cette réforme, dont on ne parle pas beaucoup, pas assez à mon sens, est importante pour le citoyen, et décisive pour les juridictions financières. Je suis convaincu que nous saurons faire face à ces transformations qui se traduiront in fine par une justice financière plus moderne, plus cohérente et mieux comprise, donc plus efficace pour le justiciable. Monsieur le Premier ministre, Monsieur le Président du Sénat, Mesdames et Messieurs les ministres et parlementaires, Monsieur le vice président du Conseil d'Etat, Mesdames et Messieurs les hautes autorités civiles et militaires présentes, Mesdames et Messieurs, chers collègues. Les juridictions financières auront plus que jamais, j'en suis convaincu, persuadé, un rôle important et même essentiel à jouer dans les temps qui viennent. Nous devrons nous montrer à la hauteur de notre histoire, de l'histoire tout court, de notre réputation, du respect et de l'attention que nous apportent nos concitoyens en assurant tour à tour sur le tiers de confiance, de vigie, d'experts, j'ai présenté les uns et les autres, capable de prendre du recul pour évaluer les politiques publiques et contrôler les comptes et la gestion à l'aune de la crise sanitaire, de ces polycrises que nous vivons. Qu'elles soient démocratiques, politiques, géopolitiques, sociales, économiques. J'ai toute confiance en chacune et chacun d'entre vous pour que nous puissions jouer tout notre rôle au sein des institutions de la République et ainsi encore mieux servir notre pays. Je connais l'engagement de tous les membres de la Cour et des chambres régionales pour faire rayonner les juridictions financières non seulement en 2022, mais aussi au delà. Et je fais pleinement mien les mots d'Henri Bergson, "j'ai toujours voulu que l'avenir ne soit plus ce qui va arriver, mais ce que nous allons en faire ensemble". Nous continuerons à bâtir des institutions en mesure de répondre mieux encore aux défis de notre temps. Je vous remercie de votre attention. J'espère que cette nouvelle année permettra enfin de tourner la page de la période éprouvante que nous venons de traverser. Nous traversons encore et de nous projeter collectivement vers un avenir prometteur pour notre pays et pour chacun d'entre nous. L'audience est levée. Je vous remercie.
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